Mécénat d'entreprise : plus de transparence et d'égalité

02.04.2019

La nouvelle loi finances modifie le mécénat d'entreprise, notamment pour inciter les petites entreprises à faire des dons. Des changements plus ou moins bien accueillis.

En France, c'est la crise du don. France Générosités, le syndicat des associations et fondations, estime la chute entre 10 à 15 % sur l'année 2018. Cause principale : la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI), diminuant de moitié le nombre de contribuables assujettis (de 300.000 à 150.000). La réduction de 75 % d'impôts sur les dons est de facto moins utilisée.

Pour palier ce manque, le projet de loi finances 2019 tente d' inciter le mécénat d'entreprise . Les sociétés qui font des dons à des organismes d'intérêt général ont droit à une réduction fiscale. Si la loi Aillagon de 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations n'est pas revue dans le fond, quelques ajustements ont été apportés.

Franchise de 10.000 euros de déduction

Premier changement notable, l'apparition d'une franchise (article 148). Auparavant, toute entreprise pouvait bénéficier d'une réduction de l'impôt sur les bénéfices égale à 60 % des dons versés aux oeuvres ou organismes d'intérêt général, dans une limite de 0,5 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Or, ce taux très bas était forcément inégal : il n'était quasiment jamais atteint chez les grosses entreprises, tandis que les petites sociétés se retrouvaient très vite plafonnées . Une entreprise qui réalise 1 million d'euros de chiffre d'affaires était ainsi plafonnée à 5.000 euros de réduction d'impôts. « Ce système était trop en défaveur des petites entreprises, fortement pénalisées par cette restriction », estime Sylvaine Parriaux, déléguée générale d'Admical, l'Association qui promeut le mécénat auprès des entrepreneurs. Désormais, si la restriction reste toujours à 0,5 % du chiffre d'affaires, les petites entreprises peuvent opter pour une franchise incompressible de 10.000 euros de déduction.

Une mesure accueillie très positivement à l'Admical, selon Sylvaine Parriaux : « Il y a clairement besoin aujourd'hui d'un engagement plus fort des entreprises, et notamment des petites, et cet article de loi va dans ce sens. Seuls 2,7 % des très petites entreprises font du mécénat, contre 20 % de PME, et 81 % des grandes entreprises . » A partir de 2020, les entreprises auront la possibilité, selon leur taille, d'appliquer le plafond de 10.000 euros ou celui de 0,5 % du chiffre d'affaires sur leurs dons opérés en 2019.

Lister les contreparties

Deuxième changement plus contrasté, l'article 149, qui oblige la déclaration des versements ouvrant droit à la réduction d'impôt, aussi appelé « reporting ». Dès le 1er janvier 2019, les entreprises qui effectuent plus de 10.000 euros de dons annuels au titre du mécénat devront déclarer à l'administration fiscale « le montant et la date de ces dons, l'identité des bénéficiaires, ainsi que la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contreparties ». L'obligation de reporting n'a rien de nouveau : « Concrètement, cela avait déjà massivement lieu, on espère maintenant que les données récoltées seront partagées entre les préfectures et les administrations des finances », estime Sylvaine Parriaux. Mais la mention de « contreparties » interpelle, car elles sont parfois difficiles à chiffrer. A combien estime-t-on la rencontre avec un artiste, par exemple ?

Sylvaine Parriaux craint de fait « une usine à gaz » qui rendra la tâche plus difficile aux petites entreprises, avec des sommes impossibles à déterminer ou tronquées. « Pour l'instant, c'est encore assez flou. On attend de savoir quelle sera l'autorité référente chargée de vérifier la bonne valeur des contreparties », indique l'experte. Mais pour elle, l'essentiel reste de changer de vision : « Il est temps de cesser de voir le mécénat comme une niche fiscale, mais plutôt comme un investissement sociétal. Au lieu de parler des avantages fiscaux, concentrons-nous sur ce que ces dons apportent à la société française ! »